Soeur de vice

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il y a 7 ans

Les derniers jours de révisions avant de passer mon oral de grec, je commençais à paniquer. Et si j’oubliais la traduction ? Et si je passais directement au commentaire de texte ? Et si je bégayais ? Et si je n’arrivais pas à prononcer un seul mot face à mon examinateur ? Je confiais mes peurs à une amie sur Facebook. Sa pluie de smiley ne changeait pas mon humeur.

Je sentais la peur monter pas à pas mon âme de future bachelière. J’étais une bonne élève. J’aurais mon bac L avec mention. Je ne me fais pas de souci pour elle, disaient mes professeurs. Mais moi, je me faisais du souci pour moi. J’étais là, à l’arrêt de bus, en train d’essayer de ne pas me ronger les ongles pour être présentable le jour de l’oral. J’avais l’impression qu’après mon diplôme, j’allais être lâchée dans la nature et si je ne pouvais pas affronter la moindre petite épreuve à l’image de cet oral alors c’était fichu ; ma vie était fichue.

Je récitais mentalement le nom des auteurs et des titres au programme, les traductions puis les introductions et les conclusions que j’avais apprises par coeur, les grands axes. Je grattais mes collants avec mes ongles. Une fois un trou percé, je tirais pour l’écarter encore, voir le nylon se fendre. Heureusement, mes collants étaient couleur chair. Si j’avais fait ça l’hiver, avec des collants noirs, j’aurais ressemblé à une traînée.

Je n’en pouvais plus de ces trois jours qui me séparaient de mon oral qui avait lieu dans un autre lycée que le mien à A. La pression redescendait un peu le soir quand je roulais ma couette en boule pour m’allonger sur cette masse de coton et onduler mais ce n’était pas suffisant. La veille de l’examen, je n’arrivais vraiment pas à trouver le sommeil. C’était terrible. Il faisait chaud. Dehors, j’entendais le fracas des verres et des couverts, des rires et des voitures qui disaient la vie qui s’écoulait loin de mon angoisse de me ridiculer le lendemain à 8h45.

Comme d’habitude, je dormais nue et mes mains me parcouraient avec la même fréquence que les garçons de mon âge. Je n’avais pas peur de dire que j’étais une fille et que je n’avais pas peur de mon corps. Oui, j’avais peur d’un oral de grec mais je n’avais pas peur de dire sans rougir que je me masturbais, le plus souvent à ne pensant à rien, enfermée dans mon plaisir à en mouiller les draps, à en laisser ainsi une trace outrageuse à la façon des Anthropométrie de l’époque bleue de Klein.

Mais ce soir-là, je pensais à Lou. On était au lycée ensemble, on restait dans notre coin comme deux inadaptées sans vraiment comprendre pourquoi on ne réussissait pas à être comme elles, les autres. Lou était belle d’une beauté à son apogée déjà. Elle avait des cheveux bouclés qui donnaient envie de dormir la tête dans le creux de son cou, de regarder son visage changer de couleur sous l’effet du plaisir et de l’entendre gémir comme un oiseau de proie.

Je voulais savoir si elle préférait ma langue ou mes doigts. Je m’imaginais la branlant doucement, tapotant son entre-jambe par surprise, faisant glisser mes doigts en elle, veillant à ce qu’elle s’éveille à chaque doigt ajouté. Déposant ma bouche sur les parties d’elle que je faisais fleurir plus encore sous l’effet de ma langue qui touchait parfois religieusement, parfois avidement, son clitoris qui s’élançait sans scandale, demandant douceur et sagesse. J’ajoutais ma salive à sa mouille pendant que mes doigts cherchaient, cherchaient, se courbaient légèrement et réussissaient alors à trouver sa jouissance.

Brusquement, mes muscles se sont faits lourds comme des monuments, ils étaient chauds et grésillaient d’un engourdissement qui me fit pousser un cri. Dehors, il n’y avait plus de bruits. Les réverbères jetaient leur dévolu sur les pavés. Il était 2h47. Je le savais, désormais, je réussirais à m’endormir.

A 6h00, mon réveil sonna. Je le reprogrammai à 6h10. Je me levai. Mes parents étaient là en amoureux. Ils me souriaient en disant qu’ils tenaient à être tous les deux là pour m’emmener à mon examen. Je trouvais cela un peu ringard mais j’étais d’excellente humeur. Je les remerciais en souriant moi aussi et m’emparai d’une tranche de pain. Mes yeux brillaient encore des souvenirs d’un plaisir que j’avais jamais vécu quand j’ajoutais, sur la mie, du beurre et de la confiture d’abricot. Je souris d’un sourire plein, le visage probablement peint de désir. « Annabelle ? » Je levai ma tête, tentant en vain d’offrir à nouveau un visage neutre. « Pourquoi tu souris comme ça ? C’est ton oral qui te fait cet effet-là ? Tu crois que tu vas tomber sur un beau professeur? « , plaisanta ma mère.

Anna Mauriac

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